Voyage : à la rencontre de nos partenaires au Burundi

Publié le par Allons Imaginer un Monde d'Amitiés

La semaine du 22 avril 2024, AIMA représentée par Alice la responsable des actions de solidarité internationale, a été à la rencontre de ses partenaires au Burundi. Un voyage d'une utilité précieuse, qu'on vous fait partager avec ces quelques lignes. Alors "mwaramutse" (bonjour en kirundi), "karibu" (bienvenue) et bonne lecture !

Pourquoi le Burundi ? Ce séjour a été décidé car, au 1er avril 2024, AIMA y avait déjà envoyé 3 containers (=160 lits électriques), 40 ordinateurs partaient dans les prochains jours pour informatiser un hôpital, et même si nous ne savions pas si elles aboutiraient, nous avions d'autres demandes en cours. Or, nous n'avions jamais été dans ce pays. 
Ce voyage avait donc pour objectifs principaux d'effectuer un suivi du matériel déjà envoyé et de faire un analyse des besoins pour les demandes à venir. C'était aussi l'occasion de tisser de plus amples relations partenariales sur place, de mieux comprendre le système de santé et de voir comment AIMA peut améliorer son travail avec les partenaires.

 

Suite à une invitation de notre partenaire "pilier" sur place Adrien, grâce à qui nous avons envoyé le premier container de l'histoire d'AIMA au Burundi et qui nous a permis de rencontrer tous ces partenaires sur place, ce voyage a été organisé en un petit mois. Grâce à toute son organisation (encore mille mercis à Adrien ainsi qu'à sœur Laetitia pour l'organisation des visites à Bujumbura et à Gitega), le programme a été riche et dense :

LUNDI 
Arrivée
- Hôpital de Baho : M. Ndikumwenayo Adrien/ Mme Dr. Nkurunziza Beatrice, direction
- Hôpital de Bumerec : M. Dr. Niyongabo Theodore / Mlle. Dr. Niyongabo Eden, direction

MARDI
- Hôpital Militaire de Kamenge : M. Dr. Nimburanira Marc, Directeur Général
- Clinique Prince Louis Rwagasore : M. Dr. Havyarimana Bonithe, Directeur général

MERCREDI
Ministère de la Santé Publique du Burundi et de la Lutte Contre Le SIDA : DG de L'offre Des Soins, de la médecine moderne et traditionnelle, de l'alimentation et des accréditations (DGOSA) - M. Dr. Ntihabose Oscar + DG des Ressources - M. IR Ntahimpera Jean Charles
Centre Universitaire de Kamenge : M. Dr. Harakandi Stany, Directeur général
- Hôpital régional de Gitega : M. Dr Éric Ndihokubwayo, directeur
Centre d'accueil de jeunes en situation de handicap physique de Mushasha : salutations et accueil par les tambourinaires (groupe des jeunes) + visite du centre : accueil par Soeur Joséphine TOYI, supérieure Générale de l'Institut des Soeurs Bene-Tereziya, avec Soeur Laetitia
Hôpital Sainte Thérèse de Gitega : Dr Lamberta NAKABANDI, directrice

JEUDI
- Hôpital Santa Terezina de Muremera à Ngozi : Dr Darias Manariyo, directrice
- Centre de santé Banga : Sr Dévote, titulaire du CDS
Centre de santé Bukeye : Sr Severa, titulaire du CDS
Centre de santé Saint Michel de Bujumbura : Sœur Lyone

VENDREDI
Hôpital Prince Régent Charles : Mr. Dr.Oscar – Directeur général
Départ

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Des ces visites, on retient :

La structuration du système de santé. Par ordre de grandeur (infrastructures-équipements-personnel), il y a les hôpitaux nationaux (6 en tout), hôpitaux régionaux (5), hôpitaux de district (47), hôpitaux communaux (60) et centres de santé. L'objectif est d'avoir un hôpital par commune soit 116 au lieu de 60 actuellement, qu'il faudrait créer et équiper. Le Ministère va réfléchir à formuler une demande groupée de plusieurs containers pour cela, mais on sera sur le temps long.
De plus, l'Etat et l'Eglise ont signé un accord-cadre dans le domaine de la santé : des établissements de santé catholiques à but non lucratif sont conventionnés pour proposer des soins, en respectant les directives du Ministère de la Santé. 
Un maillage territorial qui laisse quelques zones avec peu de services, notamment en zone rurale avec moins d'offre de soins qu'en ville, et des problèmes de recrutement

L'Etat a mis en place la gratuité des soins pour les femmes enceintes et les enfants de moins de 5 ans : c'est l'élément clé qui permet de reconnaître les établissements publics, à but non lucratif, ou reconnus d'intérêt général (car ces soins sont payants dans les établissements privés à but lucratif). D'une manière générale, les autres soins sont payants. Il y a donc 3 options : ceux qui ont une assurance qui remboursent 60 à 80% des soins, ceux qui ont la mutuelle de la fonction publique, et enfin ceux qui n'ont aucun affiliation à aucune assurance (la grande majorité). Ils ont une carte de la sécurité sociale et la gratuité des soins uniquement dans les centre de santé. Pour le reste, dans les hôpitaux, il faut payer cash dans le privé comme dans le public.

 

Des personnes ont des mutuelles qui prennent environ 60% à 80% en charge, mais l'immensité des personnes qui ne sont pas dans le système doivent se débrouiller... on évoque une famille qui a dû vendre toutes ses terres pour payer des soins, et tous ceux qui ne peuvent pas payer et n'ont donc pas accès à la santé

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La difficulté d'obtenir des devises. En particulier depuis les sanctions internationales de 2015 (quand le président d'alors avait voulu faire un 3e mandat présidentiel) suite auxquelles tous les projets de développement des institutions rencontrées se sont écroulés. Mais aussi parce que le pays exporte trop peu, alors qu'avec peu d'industries nationales presque tout doit être importé. Les établissements ont bien des francs burundais pour fonctionner, mais c'est très difficile d'obtenir des dollars pour importer. Les établissements privés a but non lucratif ont des comptes dans des banques commerciales qui peuvent accéder plus facilement aux demandes de dollars, mais les hôpitaux publics ont interdiction d'avoir un compte dans une banque privée, ils n'ont qu'un compte à la banque nationale, et l'obtention de devises est très contrôlée et régulée.

Des gens formidables. Parmi les partenaires les plus proches, ceux qui ont déjà reçu des containers, Adrien qui a reçu 2 containers pour son établissement d'intérêt général Baho (gratuité des soins pour les femmes enceintes et enfants de moins de 5 ans conventionné avec l'Etat), qui a étudié labo en Belgique et à Limoges, a qui a ainsi emporté avec lui au Burundi de nouvelles technologies en laboratoire. Il a organisé le séjour, encore un immense merci à lui ! Clara la fille de Adrien qui travaille a l'hopital Baho, Bertrand son mari ingénieur informatique qui a conduit toute la semaine et qui installe le logiciel de gestion des patients et des stocks OpenClinic dans des établissements de santé. Théodore et Eden, sa fille, qui travaillent à Bumerec. Tous les deux se sont formés en France, Eden revient juste de 3 ans à Paris où elle a étudié sa spécialité (chirurgie), et comme son père, souhaite travailler à Bumerec et garder un pied dans le secteur public, au CHU. Soeur Laetitia sont les lunettes de soleil et les éclats de rires nous ont conquis dès les premiers pas côte à côte : juriste de formation initialement, les massacres de 1993 ont fait naitre sa vocation religieuse (les mots ont de l'importance quand on salue par un "amahoro" signifiant "la paix", l'un des mots utilisés pour dire bonjour). Elle a fait son service militaire (obligatoire pour les diplômés universitaires), a travaillé 2 ans comme juge, puis a choisi d'entrer dans la congrégation et d'y porter les projets d'intérêt non lucratif. C'est avec elle qu'AIMA a envoyé 1 container, qui a organisé les 2 journées de travail a Gitega, et qui s'occupera de coordonner côté Burundi 2 prochains containers. La vie pétillante des sœurs : elles ont créé la première école de filles du pays dans les années 1940, font des projets sociaux à but non lucratifs (gestion d'institutions médico-sociales, d'hôpitaux, de centres de santé, établissements scolaires...), toutes nos interlocutrices étaient qualifiées (médecins, directrices, comptables, juristes, infirmières,...), elles chantent, elles dansent, et elles soulèvent des montagnes !

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Certains de ces partenaires ont accepté l'invitation d'AIMA pour visiter des institutions medico sociales en France fin mars 2025 (Adrien, soeur Laetitia, Theodore et Eden de Bumerec, et la porte est ouverte pour d'autres partenaires) !
On retient donc les dizaines de visages des partenaires sur place et leurs sourires : 

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De nombreux besoins. Les établissements doivent dont faire avec les moyens du bord, utilisent leur matériel jusqu'au bout et le renouvellent au compte goutte au fil des opportunités. Les besoins sont donc extrêmement importants : 

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Mission accomplie donc car :

- Nous avons pu voir tout le matériel envoyé par AIMA et rencontrer les partenaires qui l'ont reçu. On comprend maintenant mieux comment ils travaillent, et pouvons améliorer notre travail depuis la France.

- Nous avons visité de nombreux établissements et mieux compris le fonctionnement du système de santé sur place, ainsi que les défis auxquels le pays doit faire face (notamment concernant les containers, la difficulté d'accéder à des devises). 

- Nous avons rencontré de nouvelles institutions et tissé le réseau partenarial d'AIMA sur place : nous repartons avec le contact de tous les établissements : tous ont exprimé des besoins, et nous espérons pouvoir en satisfaire une partie.  

- Nous avons pu comprendre l'utilisation du matériel et les besoins. Par exemple, les lits alignés dans de grandes pièces pour des partenaires rend indispensable d'avoir les deux barrières aux lits. Les lits électriques ne sont pas branchés 24/24h comme en France, mais sont bougés grâce à une rallonge quand un patient a besoin de changer de position. Les vêtements du Trocoeur sont extrêmement utiles, priorité aux vêtements des nouveaux-nés (car lié aux faibles revenus et à la probabilité de mortalité infantile, certaines femmes attendent d'avoir accouché pour trouver des vêtements pour leur nouveau-né : les sœurs distribuent alors les vêtements aux familles les plus démunies), mais tous les vêtements, aussi adultes et enfants, sont très utiles. 

- Nous avons d'autres demandes en cours. Un container pour Bumerec, et une nouvelle demande de 2 containers de la congrégation des sœurs Bene Tereziya. Le Ministère va réfléchir à une demande groupée de containers, et les hôpitaux publics ont des besoins. La demande du secteur public mettra certainement du temps, car ils doivent l'inscrire à leur budget prévisionnel, car les dépenses trop importantes doivent être validées par le Ministère, et car l'accès aux devises via la banque nationale pour payer le transport est un processus lent et régulé. 

 

Voici quelques photos du matériel envoyé par AIMA (incluant une couveuse, donnée par HUMATEM et chargée dans notre container commun) :

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Plus largement sur place, on retient :

Les paysages magnifiques. Les cultures de café, de thé, d'ananas,  les rizières, les industries locales (production de briques de renom, usine de jus de fruit de la passion, menuiserie, ferronnerie...).

Les expressions et coutumes. La langue principale est le kirundi aux si belles sonorités, et les traits d'humour de nos partenaires ont illuminé ce séjour. Il est d'usage d'appeler les personnes par leur titre, y compris pour les mères : la manière la plus respectueuse de les nommer est "mama + le nom du fils ou de la fille aînée". Les filles ne peuvent pas vivre seules avant d'être mariées. Aussi, c'est souvent le père qui donne le nom de l'enfant dans les jours qui suivent la naissance (mesdames, on soupçonne certaines d'entre vous d'arriver à des accords bilatéraux en amont!). Aussi, on ne s'assied pas dos à la porte d'entrée ou au portail : il faut toujours pouvoir voir qui arrive. 

Les porteurs de projets brillants. On l'a dit précédemment, nous avons rencontré des personnes extraordinaires, qui font le monde d'aujourd'hui et de demain, en essayant de le forger le plus joliment possible. 

Les défis auxquels doit faire face le pays. La pénurie d’essence (des queues de voitures abandonnées pour s'en fournir, avec 2 à 3 jours d'attente et un prix du carburant au marché noir égal ou bien supérieur au prix de vente en France), la pénurie de sucre, les inondations catastrophiques cette année (lac Tanganyika et riviere Rusizi), l'accueil des réfugiés de la République Démocratique du Congo, la pauvreté (près de 90% de la population vit avec moins de 2€ par jour, et on croise régulièrement des personnes aux vêtements assez endommagés), le manque d'accès à l'école (de nombreux enfants doivent travailler ou cultiver pour manger ce soir et demain), la malnutrition (presque tous les établissements de santé que l'on visite ont un service de de malnutrition : "on a des enfants qui arrivent dans un état plus ou moins sévère. On a des enfants qui ne mangent que des patates", sans apport d'aucun autre nutriment et en trop faible quantité, et commencent à mourir à petits feux.Enfin, l'éternelle oppression des gouvernements et grands capitaux du Nord. Le mardi matin dans la voiture, on entend à la radio le scandale Nestlé (fraîchement mis en cause par l'ONG Public Eye) pour du lait en poudre pour bébés, accusé de "double standard". Le lait produit en Europe et le lait produit pour l'Afrique, Asie et Amérique Latine ne sont pas faits avec la même recette. Nestlé fournit aux pays à plus faibles revenus et des produits céréaliers contenant du sucre et du miel ajouté. Ce dosage est réservé au Sud est contraire aux directives de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) en raison des risques d’obésité et de maladies chroniques. De plus, c'est dans la petite enfance que l'accoutumance nutritionnelle (au sucre par exemple) se forge le plus facilement... Du Nord et du Sud, tout le monde est choqué dans la voiture... On en parle.... En réaction à ces informations choquantes, entre petites gens du Sud, du Nord, et des quatre coins du monde : continuons de forger notre chemin solidaire. 

Enfin, un chiffre. Entre 2012 et 2017, sur 1 000 naissances vivantes au Burundi, 47 enfants sont décédés avant d'atteindre leur premier anniversaire (23 sont décédés au cours du premier mois de vie). A titre de comparaison, sur 1000 naissances vivantes, en moyenne 6 enfants meurent aux Etats-Unis, 4 enfants en France, 2 enfants en Islande... Le Burundi se situe parmi les 30 pays au monde où le taux de mortalité infantile est le plus élevé. Ce taux de mortalité est en partie dû au manque d'équipements. Alors à nos associations de continuer de donner le maximum, pour à notre toute petite échelle, continuer d'oeuvrer pour un monde meilleur

Voyage : à la rencontre de nos partenaires au Burundi

Post scriptum: D'habitude sur le blog, on parle toujours en "nous". Nous sommes une équipe et chaque opération de réemploi solidaire est le fruit de l'accumulation d'actions de dizaines-centaines de personnes : ceux qui ont fondé l'association, ceux qui l'ont fait vivre un bout de chemin puis qui en sont partis, ceux qui aujourd'hui prennent les milliers de petites décisions à prendre chaque semaine, ceux qui comptent, ceux qui portent, ceux qui trient, ceux qui accueillent, ceux qui sourient dans les Hangars, ceux qui communiquent, ceux qui conduisent, ceux qui donnent, ceux qui soutiennent, ceux qui achètent, ceux qui adhèrent,... Dans cet océan d'actions et de personnes, individuellement, nous ne sommes rien. Dans le "faire" c'est la beauté de l'action collective et dans les "lettres" c'est la beauté du "nous".
C'est pourquoi il est impossible d'écrire à la première personne. Cependant, la disparition du "je" dans cet article ne doit pas occulter la subjectivité de ces lignes. En une semaine sur place, cet article n'a pas l'ambition d'apporter une lecture objective d'un pays, mais de partager simplement avec vous cette semaine de travail. Elles ne proposent qu'un aperçu de ce beau pays vu au travers des yeux de la personne qui a eu l'honneur d'y représenter AIMA & ses équipes de bénévoles, de salariés et d'administrateurs.

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